Chapitre 3 : Les Ombres et la Capture d’Ilyas

09/03/2025

Le soleil venait à peine de se lever lorsque Aéfrie, encore imprégnée du souvenir de son récent combat contre la bête sauvage, quitta l'Ogre Jongleur. Son bain chaud de la veille avait apaisé son corps meurtri, mais son esprit restait en alerte. Elle savait qu'une autre menace planait sur Valbourg: ces ombres que certains disaient avoir aperçues près du vieux moulin. Et un enfant, prétendument témoin de phénomènes étranges, vivait non loin de là.

I. La rumeur du moulin

Les rues de la cité se réveillaient à peine. Les marchands commençaient à monter leurs étals, tandis que les patrouilles de la garde saluaient la guerrière elfe d'un signe de tête respectueux. À l'Ogre Jongleur, Willington l'avait mise au courant : un certain Joran, pêcheur de profession, affirmait que son fils avait vu des ombres mouvantes près d'un vieux moulin, un bâtiment à l'abandon, niché dans un quartier excentré de Valbourg. Les murmures couraient : on parlait de disparitions inexpliquées, de silhouettes fantomatiques, voire de créatures mortes-vivantes.

Bien décidée à en avoir le cœur net, Aéfrie rejoignit Matias devant la caserne. Le jeune soldat, toujours prêt à l'action, l'écouta exposer son plan : avant de partir pour quelque expédition, mieux valait confirmer la rumeur auprès du père de l'enfant.

« On m'a parlé d'un pêcheur nommé Joran, » expliqua-t-elle en serrant la sangle de sa cotte de mailles. « Allons le trouver. Son fils pourrait nous en dire long sur ces… ombres. »

Matias acquiesça, et tous deux se dirigèrent vers les quais où les pêcheurs vendaient leurs prises. L'odeur de poisson frais flottait dans l'air, mêlée à celle de la vase et des filets mouillés. On leur désigna un homme à la barbe grise, portant un vieux manteau de peau, un air renfrogné sur le visage. C'était Joran.

Au début, le pêcheur se montra méfiant, se contentant de grogner à leurs questions. Mais lorsque Aéfrie mentionna l'enfant et les ombres, il se radoucit, le regard fuyant :

« Oui, mon fils… Il rentrait d'une course tardive. Il prétend avoir vu des formes noires bouger près du vieux moulin, comme si elles le guettaient. Depuis, il fait des cauchemars. Il n'est pas menteur, je le connais. Mais je n'ai pas la force d'aller vérifier. »

Il renifla, fixant Aéfrie d'un air las :

« Si vous vous en mêlez, faites attention. Beaucoup de gens disparaissent ces temps-ci. Et… certains parlent de spectres. J'suis pas un trouillard, mais on n'rigole pas avec les morts qui marchent. »

Matias lui posa encore quelques questions. Joran répéta que le moulin était abandonné depuis des années, qu'aucun habitant sain d'esprit ne s'en approchait, et que même les mendiants préféraient coucher sous les ponts plutôt que dans ces murs hantés.

« Merci, » conclut Aéfrie en s'inclinant légèrement. « Je vous promets de faire la lumière sur cette histoire. »

II. Le capitaine, la garde et le vieux moulin

Les informations de Joran en poche, Aéfrie et Matias retournèrent à la caserne. Le capitaine Arthol, l'air soucieux, les écouta en silence. Il confirma que plusieurs plaintes évoquaient des silhouettes spectrales dans ce quartier, mais rien de concret jusqu'alors. Aéfrie insista pour que la garde se mobilise.

« Des disparitions, des rumeurs de morts-vivants… On ne peut pas laisser ces gens dans la peur. La ville a déjà assez souffert, » déclara-t-elle, les bras croisés.

Arthol soupira, jeta un coup d'œil aux rapports éparpillés sur son bureau. Il savait que la garde était sous tension, dispersée pour enquêter sur d'autres affaires, notamment les enlèvements liés à l'Anneau de Fer. Pourtant, la détermination d'Aéfrie le convainquit.

« Très bien. Prenez quelques hommes, allez voir ce moulin. Mais ne prenez pas de risques inutiles. »

En fin d'après-midi, un petit groupe de soldats, mené par Matias et Aéfrie, se mit en route vers le quartier excentré. Les maisons s'espacèrent, les ruelles se firent plus sombres. Le vieux moulin apparut enfin : une bâtisse en pierre noire, flanquée d'une tour partiellement effondrée, le tout cerné par des herbes folles et des murs lézardés.

« Ça a l'air sinistre, » commenta un soldat, serrant sa lance. « J'aime pas ça… »

Aéfrie, arc en main, progressait en tête, attentive au moindre bruit. Matias la suivait de près. Arthol n'était pas présent, ayant d'autres obligations, mais il avait envoyé ses meilleurs éléments… ou du moins, des hommes motivés à faire leurs preuves.

III. La confrontation avec les spectres

En pénétrant dans le moulin, ils constatèrent que l'intérieur était en ruine : plancher effondré, toiles d'araignée géantes, poutres brisées. Un froid étrange régnait, pourtant la soirée était encore douce à l'extérieur. Les soldats échangèrent des regards inquiets.

Soudain, un souffle glacé parcourut la pièce. Aéfrie leva la main pour signaler le silence. Ses sens elfiques percevaient une anomalie : l'air vibrait d'une énergie surnaturelle. Matias, les jointures blanches sur la garde de son épée, sentit aussi ce malaise.

Le premier cri retentit lorsqu'un des soldats, s'étant aventuré près d'un escalier, recula en hurlant : une silhouette spectrale surgit du mur, luisant d'une aura bleutée. Ses orbites vides fixèrent le groupe d'un regard dénué de vie. Deux autres spectres apparurent alors, flottant silencieusement, leurs corps éthérés distordus dans la pénombre.

« Par les Immortels… Repli ! » s'écria Matias, terrifié par cette apparition.

Les soldats tentèrent de porter des coups, mais leurs lances traversaient les formes sans les blesser. L'un des spectres lança une main vaporeuse vers un garde, qui s'effondra en poussant un râle de douleur, comme si sa force vitale lui était arrachée. Aéfrie, comprenant qu'elle n'avait pas l'équipement magique pour affronter ces entités, réagit :

« On se retire ! Vite ! »

D'un geste rapide, elle incanta un sort de Lumière pour aveugler l'un des spectres, puis s'élança pour tirer le soldat blessé hors de portée. La créature recula, éblouie par l'éclat magique, mais ses compagnons avancèrent, leurs murmures funestes emplissant l'air d'un froid mordant. Les gardes fuirent, paniqués, la peur se lisant sur leurs visages. Seule la détermination d'Aéfrie et de Matias les empêcha de se disperser totalement.

Dans un dernier effort, l'elfe souleva le soldat inconscient et franchit la porte en courant, suivie de Matias et des deux derniers gardes valides. Derrière eux, les spectres ne semblèrent pas s'aventurer hors du moulin, se contentant de planer à l'intérieur, comme liés aux ténèbres de l'endroit.

IV. Le temple du Griffon et la blessure mortelle

Hors d'haleine, le petit groupe regagna la caserne, portant le soldat blessé. Son visage était livide, ses lèvres bleuies. Arthol, alarmé, apparut, l'expression horrifiée :

« Des spectres ? Bon sang… Il faut l'emmener au temple du Griffon. Seuls les prêtres peuvent soigner ça. »

Sans tarder, Aéfrie et Matias escortèrent le blessé vers l'édifice sacré. Le temple du Griffon se dressait fièrement sur la place centrale, de hauts murs de pierre blanche ornés de symboles solaires. Les prêtres, en toges immaculées, accueillirent la troupe et s'empressèrent de prendre en charge le malheureux soldat. Aéfrie, l'esprit encore secoué par la confrontation, expliqua la situation au patriarche du temple.

« Les morts ne devraient pas marcher, » murmura-t-elle, frissonnant. « Quelque chose de très sombre hante ce moulin. »

Le patriarche opina gravement. Il imposa les mains sur le soldat, récitant des prières qui illuminèrent brièvement l'aura du blessé. Peu à peu, la vie sembla regagner ses membres. Mais le prêtre prévenait déjà : il lui faudrait du repos, et un exorcisme plus poussé si des séquelles persistaient.

Arthol arriva alors, soulagé de voir le soldat hors de danger immédiat. Il reporta cependant son attention sur Aéfrie, l'air sombre :

« Les spectres ne sont pas apparus par hasard. On soupçonne un gang derrière plusieurs enlèvements, et peut-être des rituels. Il y a un nom qui revient : Ilyas. »

V. Sur la piste d'Ilyas

Le capitaine expliqua qu'Ilyas était un chef de gang, opérant depuis des mois dans l'ombre de Valbourg, peut-être en lien avec des forces occultes. Il n'était pas un mage lui-même, mais il entretenait des contacts avec des individus dangereux, y compris ceux qui s'intéressaient à la nécromancie ou aux morts-vivants.

Aéfrie, encore sous le choc de la rencontre avec les spectres, se redressa, déterminée :

« Montrez-moi où se cachent ses hommes. Je vais m'en occuper. »

Arthol hésita, redoutant de perdre d'autres gardes dans une expédition hasardeuse. Mais la volonté farouche de l'elfe l'emporta. Elle proposa d'y aller seule, ou presque.

C'est alors qu'elle prit une décision surprenante : pour infiltrer la planque d'Ilyas, elle se vêtirait de façon légère, dénuée de son habituelle armure, et n'emporterait qu'une dague dissimulée. Matias, horrifié à l'idée de la laisser partir ainsi, tenta de protester, mais elle le rassura :

« C'est un groupe de bandits, de mercenaires. Je peux user de ruse et de mes sorts pour m'approcher sans éveiller les soupçons. Toi, reste en alerte, prêt à intervenir si je ne reviens pas. »

Le soir venu, Aéfrie quitta la caserne, ses longs cheveux argentés lâchés sur ses épaules, vêtue d'une tenue simple et dévoilant assez de peau pour passer pour une courtisane ou une aventurière sans le sou. Seule sa dague glissée à l'intérieur de sa botte trahissait sa véritable nature. Elle disparut dans les ruelles sombres, déterminée à trouver la piste d'Ilyas.

VI. L'infiltration dans la cache souterraine

En arpentant les tavernes les plus douteuses et les entrepôts abandonnés, Aéfrie finit par repérer des individus nerveux, marqués de symboles évoquant un gang local. Elle se glissa dans l'un de ces repaires, se faisant passer pour une femme cherchant un certain Ilyas.

Les regards libidineux et méfiants de plusieurs bandits la détaillèrent. Elle joua de son charme, prétendant avoir un message urgent pour le chef, et usa discrètement de sa magie : un sort de Sommeil jeta dans les bras de Morphée deux sbires un peu trop curieux. Les autres, intrigués, la conduisirent dans un souterrain, derrière une porte dérobée. Les couloirs sombres étaient éclairés de torches fumantes, projetant des ombres dansantes sur les murs de pierre.

Au bout d'une salle basse de plafond, un homme à la carrure svelte mais au regard dur se leva en la voyant : Ilyas. Son visage portait les stigmates de nombreuses nuits sans sommeil, et ses mains jouaient nerveusement avec une dague.

« Qui es-tu ? » cracha-t-il, un rictus méfiant sur les lèvres.

Aéfrie, affichant un sourire enjôleur, prétexta un rendez-vous galant, un message d'un autre gang… Mensonge après mensonge, elle gagna quelques secondes. Lorsque Ilyas ordonna à ses gardes de la fouiller, elle incanta un Sort de Lumière, éblouissant ses adversaires. Aussitôt, elle sortit sa dague, lacérant la gorge de l'un, tandis que l'autre s'effondrait, victime du Sommeil.

Ilyas, furieux, tenta de résister, mais Aéfrie le blessa au flanc d'un geste précis, le contraignant à céder sous la menace de sa lame. La panique gagna les derniers complices, qui préférèrent fuir plutôt que d'affronter l'elfe déchaînée.

« Maintenant, tu vas sortir avec moi, » siffla-t-elle à Ilyas, dont le sang coulait sur le sol. « Et je te remets à la garde. Tente la moindre ruse, et je t'achève. »

Terrorisé, Ilyas se laissa conduire, ligoté et à demi inconscient.

VII. Le retour à la garde et le bain mérité

La nuit s'était épaissie lorsque Aéfrie refit surface, un Ilyas blessé et enchaîné traînant derrière elle. Dans les ruelles sombres, Matias, posté en sentinelle, la rejoignit, écarquillant les yeux en voyant le chef de gang à sa merci.

« Par les Immortels, tu as réussi… » murmura-t-il, admiratif.

Ils gagnèrent la caserne sans tarder. Arthol, alerté, sortit de son bureau, stupéfait de voir Ilyas dans cet état. Sans plus attendre, il ordonna à ses hommes de l'enfermer dans la geôle la plus sûre, prêt à l'interroger au matin. Les soldats, encore sous le choc de la découverte des spectres, virent dans la capture d'Ilyas une lueur d'espoir pour enrayer le mal qui gangrenait Valbourg.

Aéfrie, le souffle court, sentit la fatigue l'envahir. Elle laissa Arthol gérer les formalités, confiant Ilyas aux soins – ou plutôt aux fers – de la garde. Matias la regarda partir avec un mélange de respect et d'inquiétude.

« Repose-toi. Demain, nous aurons d'autres questions à lui poser… » lui conseilla-t-il.

Aéfrie acquiesça, le corps endolori par la tension de cette infiltration risquée. Elle reprit le chemin de l'Ogre Jongleur, où Willington l'accueillit d'un air à la fois amusé et soulagé. Sans un mot, elle se dirigea vers la salle de bain, réclamant de l'eau chaude pour soulager ses muscles.

Lorsque la vapeur enveloppa son corps fatigué, elle ferma les yeux, son esprit déjà happé par la rêverie elfique qui la transportait loin de la puanteur des égouts, du sang versé et des hurlements de spectres. Les effluves d'herbes parfumées flottant dans l'eau lui rappelèrent vaguement sa forêt natale, l'ombre des grands arbres et la douceur de la canopée.

« Un combat de gagné… mais la guerre continue, » songea-t-elle dans un demi-sommeil.

Demain, Arthol voudrait tout savoir, et Ilyas aurait sans doute des révélations à livrer. Mais pour l'heure, Aéfrie se laissa glisser dans la chaleur de ce bain, espérant chasser les images des spectres, du regard effaré du soldat blessé, et du rictus d'Ilyas lorsqu'il avait compris qu'il ne sortirait pas vivant s'il tentait de fuir.

Elle s'endormit presque, son visage baigné par la lueur tremblante d'une lanterne. Dehors, la nuit s'étirait sur Valbourg, cachant d'autres complots de l'Anneau de Fer. Mais Aéfrie, l'esprit plus serein, se préparait déjà à les affronter.

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